lundi 26 octobre 2015

Le grotto ou le yaourt glacé

Nous n'avons jamais manqué de nourriture à la maison, ma mère parvenait à nous nourrir convenablement, un peu trop même je dirais. D'ailleurs, mes photos d'enfance montre bien que nous étions en santé! Un peu trop en santé. En arabe, on dit "smalla". Ce mot à plusieurs significations. Dans certains cas, c'était une façon polie de dire que l'enfant était en santé, bien en santé! Je l'ai entendu souvent ce mot là quand les amies de ma mère venaient prendre un café, surtout si celle-ci ne les avait pas vus depuis longtemps. Je ressentais beaucoup de joie à entendre ce mot. "Wow un peu d'attention, ça fait du bien." Aujourd'hui, je ne suis pas sûre. "Smalla Zeina tu vas bien", me semble que je l’interpréterai d'une autre  façon. Mais bon, ça c'est mon cerveau d'adulte qui parle car mon cerveau d'enfant se dirait: "wow un peu d'attention, ça fait du bien." Non pas que j'ai manqué d'attention plus petite, bien au contraire, je pourrais écrire des pages et des pages d'histoires sur les étoiles du midi que ma mère à découvert avec moi. Mais bon ça, c'est un autre projet, dans une autre vie!

La semaine, nous commencions l'école très tôt le matin. Je ne me rappelle plus de l'heure à laquelle nous quittions la maison mais je sais qu'il était beaucoup trop tôt pour que mon petit cerveau soit complètement présent à écouter ou  à réciter les leçons du jour à Mme Bueno, Melle Virginie ou de M. Diakité. À partir de 11:00, Je n'avais qu'une idée, que la petite et la grande aiguille se touche.

Midi pile, la cloche sonne enfin. L'heure de déjeuner était enfin arrivé, deux heures de pause bien mérités. Nous rangions des livres et cahiers en quatrième vitesse car nous n'avions qu'une idée. D'être le premier ou la première devant le vendeur de croche-croche, de grotto ou de l'une de ces choses les plus alléchantes les unes que les autres et ce toujours dans notre tête d'enfant.

Chaque jour en sortant de l'école, différents vendeurs et vendeuses nous attendaient proche de la grille. Prêts à nous vendre différentes gâteries sachant très bien que nos petits ventres affamés les réclameraient. Une journée c'était le grotto, l'autre le croche-croche. 

Aujourd'hui c'est le grotto. Ancêtre fort probablement du minigo congélé avec son bâton en plastique, c'était un yaourt comme on l'appelait en Côte d'voire qui était congelé dans un petit récipient dans lequel tenait littéralement un morceau de bois. Avec la chaleur ambiante, les vendeurs n'avaient peine à nous les vendre et ce à bon prix. Pour moins de 1$ à l'époque, nous étions tous contents.

Chaque léchée représentait un doux bonheur à mon estomac. J'anticipais bien la fin de ce délectable yaourt crémeux à un moment donné  si bien que je profitais de chaque contact de ma langue sur le bout de cette glace en pensant à celle du lendemain. C'est ce qu'on appelle se lécher les babines. Oui, je dois bien l'avouer, j'étais gourmande et je le suis encore. C'est bien pour cela que mes quelques souvenirs de Côte d'Ivoire ne tiennent qu'à de la nourriture. 

De ce yaourt glacé, j'ai gardé le souvenir de la fraîcheur qu'il dégageait, de son goût crémeux et des "sapages" que nous faisions pour le terminer rapidement. Ce mouvement de "sapage" rapide permettait d'accumuler dans la bouche une bonne quantité de lait glacé qui se transformait en liquide et que l'on avalait par la suite. Puis à un moment donné, quand la glace devenait plus clair, on savait que la vie du lait était bientôt terminé. On croquait alors dans chaque bouchée pour essayer de garder un peu de ce lait et c'est à ce moment que nous nous rappelions que vous avions des petites dents fragiles et une bouche qui avait ses limites. Mais qu'à cela ne tienne, nous faisions la même chose à chaque fois en se disant que ce n'était que temporaire. 

Ma mère prenait soin de nous mettre des serviettes en dessous de chaque glace. Lorsqu'elle arrivait à sa fin, non seulement par les coups de langue répétés et rapides mais aussi de la chaleur incroyable qui en faisait fondre une petite partie, nous jetions par dessus bord le petit bout de bâton qui restait. Et oui par dessus bord! Je vous entends crier "ben voyons, ça ce fait pas". Humm, l'esprit écologique n'était pas aussi développé dans les années 80 chez nous. Mais à ma défense, je dirais que c'était un morceau de bois et qu'il s'auto-recyclait à la longue. De toute façon dans ma tête, l'écologie ne m'intéressait peu, je me demandais déjà laquelle des gâteries j'allais prendre le soir à la sortie des classes à 18:00 ou le lendemain car bien évidement le spectacle recommençait à chaque sortie de classe.




dimanche 25 octobre 2015

"Coco taillé, canari cassé!"

Pourquoi ce titre, très simple. Je suis née en Côte d'Ivoire. Pays que l'on surnomme aussi "la République du cacao". Plus jeune, nous avions souvent dans la bouche cette expression pour rire de l'un ou de l'autre d'une situation cocasse qui nous était arrivé. Une version plus occidentale de ce proverbe africain serait qu'on ne fait pas d'omelettes sans casser des œufs.

Le coco en Côte d'Ivoire signifie les cheveux de la femme, le canari est un grand récipient en terre cuite dans lequel les femmes le remplissaient d'eau fraîche. Donc lorsque les femmes coupaient leur cheveux, il leur était plus difficile de porter sur la tête le canari. D'où cette expression de "coco taillé, canari cassé". En d'autres mots, si tu coupes tes cheveux, il te sera difficile de porter de l'eau sur ta tête.

Tous les souvenirs que j'ai gardé de ce pays sont reliés à la nourriture. Sur ce blogue, je tenterais de vous livrer les plus beaux moments que j'ai vécu durant mon enfance. Cette année, à quelques mois de nos trente années au Canada, je me permets un retour un arrière dans un passé pas si lointain mais qui me semble une éternité 

Entre le marché de Treichville, le vendeur de viande le long de la route de Bassam et le vendeuse d'alloco au coin de la rue, vous découvrirez, je l'espère une Afrique comme vous ne l'avez pas encore connu. Loin des préjugés et des stéréotypes, l'Afrique demeure un continent très spécial à découvrir.

Tout d'abord avant de commencer, je vous propose un petit cours d'histoire culinaire rapide sur la Côte d'Ivoire. Mis à part le café et le cacao, on y retrouve aussi l'ananas, la canne à sucre, la mangue, la banane, la papaye et l'avocat. Ces aliments se retrouvent quotidiennement dans mon alimentation, ils font partie de moi. La banane aussi banale soit-elle est un de mes fruits préférés. Vous savez ce genre de d'aliment qui nous réconforte, qui nous fait sentir bien. Je ne saurais trop comment l'expliquer. Ma mémoire est surtout olfactive et je retrouve dans l'odeur et le goût des aliments des souvenirs qui se sont quelque peu éparpillés dans mon cerveau avec les années. 

En chemin, on rencontrera aussi les maquis avec les poulets ou les poissons grillés, l'igname, le manioc, le maïs et la banane plantain. Encore la banane me direz-vous! Et oui encore la banane. Frits, bouillis, cuits au charbon de bois, tous ces aliments sentent le bonheur, la joie de vivre et l'innocence d'une enfance un peu trop vite disparu.

Comme je le dis souvent: "On peut toujours sortir quelqu'un d'Afrique mais on ne peut sortir l'Afrique de son cœur". Je vous souhaite une belle lecture et de belles découvertes d'un pays si peu connu. 



Arrivée à destination à ABJ en provenance de YUL.