Toutes les fins de semaine ou presque, nous avions le même rituel. Direction Grand-Bassam. Situé à environ 45 kilomètres d'Abidjan, nous avions tous hâte d'y arriver. Cette ville faisait façade à l'océan Atlantique. Durant le chemin, on pouvait y apercevoir des centaines, voir des milliers de cocotiers, tous enlignés comme des soldats séparant ainsi la mer de la route. Lorsque ma mère roulait à 100 km/h, on les voyait défiler rapidement comme dans un film hollywoodien.
Ce lieu, à l'époque, était la plage par excellence. Quelques clubs de piscines privés longeaient la plage et leur piscine était remplie d'eau de la mer. Cette plage avait la particularité d'être propre avec des vagues à faire peur notre petit corps d'enfant.
Aujourd'hui, je ne vous parlerai pas de la plage de Grand-Bassam. Cela fera l'objet d'un autre article. Je vous parle aujourd'hui des maquis, plus particulièrement ceux qui longeaient la route de Grand-Bassam. Ceux que l'on retrouvaient à Abidjan étaient très différents.
D'abord qu'est ce qu'un maquis. Je vous rassure tout de suite, il ne sera pas question de guerre. À l'origine, ce mot désignait un groupe de résistants à l'époque de la Deuxième Guerre mondiale. Faisant ainsi référence à l'expression corse "prendre le maquis" qui était une sorte de forêt de type méditerranéenne. Les résistants aussi appelé "maquisards" se réfugiaient dans cette forêt pour préparer une vendetta ou pour ne pas répondre aux différentes autorités en place.
Avec l'arrivée des français surtout des Corses en Côte d'Ivoire et le début de la colonisation, les maquis se sont développés. De ce fait même, les maquis n'étaient plus ce qu'ils étaient en France. Ils sont devenus des restaurants très discrets et populaires où se côtoient nourriture, culture et lieux de rencontre. On y servait des viandes dite de brousse et parfois illégales parce que la chasse de ce type de gibier était entre autre interdit. Du fait qu'ils étaient souvent cachés ou connu surtout à cause du bouche-à-oreille, les maquis restaurant et les gens qui les fréquentent (les maquisards) ont une certaine similitude avec les maquis (forêts) et les maquisards (résistants).
Revenons donc à mes souvenirs d'enfance. Quand nous revenions de la mer, ma mère, parfois, s'arrêtait dans un maquis pour y souper. C'était la joie. Nous savions tous que nous allions nous régaler.
Les maquis, le long de la route, étaient en bois. On y retrouvait plusieurs tables et bancs prêts à accueillir des gens. Nous allions souvent au même maquis. À l'heure où nous arrivions, il n'y avait pas beaucoup de monde. Quelques familles ou personnes assisses par-ci par là attendaient d'être servis. Parfois, il arrivait que nous soyons seul dans le maquis. À ce moment là, je me sentais pas mal spéciale. Je ne saurais expliqué pourquoi. Le décor plutôt sobre et souvent défraîchi ne nous dérangeait pas.
Assis sur les bancs en bois qui n'auraient pas refuser une couche ou deux de peinture, nous attendions impatiemment que la cuisinière vienne nous porter le repas. Nous n'avons jamais mangé de viande de brousse, ma mère commandait surtout du poulet ou du poisson braisés accompagné d'attiéké (met ivoirien à base de manioc et de semoule) ou d'alloco (banane plantais frite). Nous avions tous hâte de voir se déposer sur notre table ce poulet et ces poissons. L'odeur de ce poulet est encore très présent dans ma mémoire. Je ne sais pas de quoi il était mariné mais il y avait fort probablement de l'ail et un cube de bouillon Maggi.
Voilà enfin la pièce arrivée sur notre table. D'une couleur jaune-brun clair, nous savions le poulet savoureux et bien cuit. Nous la regardions en se demandant quel morceau prendre. La cuisse ou la poitrine. Je ne vous le cache pas, nous ne gaspillions aucune partie de ce poulet. Nous mangions tout y compris la peau du poulet bien grillé aussi grasse était-elle. Un vrai délice pour nos babines et notre estomac. À ma défense, je dirais que la journée passée à la mer et dans l'eau principalement nous creusait facilement l'appétit.
À la fin, il ne restait qu'une pauvre carcasse de poulet dénudée de toute chair mais elle avait fait le bonheur de nos estomacs affamés. Chaque bouchée était un plaisir partagé en famille. Nous revenions à la maison le ventre plein et la tête remplie de souvenirs. Quoi demandé de mieux.
À cette époque là, ma mère n'était pas bien riche mais elle savait nous faire plaisir par ces petits moments de délices culinaires. Aujourd'hui si j'aime bien manger et cuisiner, je dois dire que je le dois à ma mère. Elle a su mettre autour de la table des moments joyeux et de partage qui me suivent encore aujourd'hui.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire