L'attiéké est une forme de couscous fabriqué à partir de manioc. Cette racine est pelée et râpée pour être finalement mélangé à un manioc fermenté ce qui lui donne ce petit goût acide. On le retrouve principalement dans le sud de la Côte d'Ivoire et c'est la spécialité culinaire de plusieurs peuples lagunaires. Il existe plusieurs sortes de ce grain, la plus commerciale est l'attiéké à petit grain que l'on retrouve dans la plupart des marchés.
Sa texture et son goût est très différent du couscous traditionnel. Il est plus blanc, plus élastique et plus collant. C'est pour cela qu'on peut le manger avec sa main en formant une petite boulette. Plusieurs n'aimeront pas le petit goût acide qu'il dégage mais c'est ce qui le différencie du couscous. Il se déguste avec du poisson ou de la viande. On dit souvent que c'est l'aliment des pauvres parce qu'il rassasie bien. Sa teneur en amidon est élevée et son coût très faible. Il remplace aussi très bien le riz ou les pâtes.
Les fins de semaine, ma mère nous préparait un pique-nique (sandwichs au jambon et moutarde) et très tôt, nous étions déjà partis à la plage de Grand-bassam pour y passer la journée. Tous embarqués dans la mazda 323 qu'elle surnommait "Aziza" qui veut dire "la bien aimée", nous nous dirigions sur la route avec, en musique de fond, Dalida, Joe Dassin, Julio Iglesias et quelques hits parade de la chanson française de l'époque. C'était ça le bonheur.
Nous passions toute la journée sous le chaud soleil à faire des châteaux de sable, des trous profonds pour s'y enterrer, des sauts dans les hautes vagues de l'océan Atlantique, une mer par moment plutôt agitée. Dans le panier de pique-nique de ma mère, les sandwichs avaient remplis notre estomac vide mais à la fin de la journée, il y avait longtemps qu'ils étaient digérés. Toute l'énergie dépensée devant être comblée. Pendant le chemin du retour, ma mère s'arrêtait pour nous faire goûter des noix de coco ou des sandwichs de viande épicés avec du "kan kan" faits par des vendeurs itinérants. Parfois, elle s'arrêtait dans un maquis, pour nous, c'était une vrai fête. Je me souviens des dégustations de l'attiéké dans les maquis en revenant de la plage le samedi ou le dimanche comme si c'était hier. Nous n'avions jamais manqué de rien mais ma mère tenait son budget comme une vraie PDG de banque mondiale. Pour elle, une visite au maquis était calculée mais j'étais trop jeune pour m'en rendre compte. Les maquis de Grand-Bassam n'étaient pas très fréquentés à l'heure où nous nous y arrêtions. Nous étions souvent seuls, ce qui rendait l'expérience encore plus spéciale. Dans ma tête d'enfant, aller au maquis coûtait cher et y aller était un moment privilégié qui était très apprécié de tous. Au menu, nous avions deux choix: du poulet à la braise ou de l'attiéké poisson braisé. Cette fois-ci, ce sera l'attiéké avec le poisson braisé!
Sous le toit de paille, assis sur des longs bancs et accoudés sur une table en bois tout cela fort défraîchis, nous attendions la visite de la serveuse. Beau temps, mauvais temps, elle se présentait à nous avec un large sourire pour y prendre la commande avec une certaine nonchalance, typique à la Côte d'Ivoire. Mais cela ne nous dérangeait pas, du temps nous en avions en masse. En attendant le moment que le plat se présente à nous, j'étais toute fébrile, toute énervée de mettre sous la bouche un morceau de quelconque aliment qui allait émerveillé mon palais gourmand. Au maquis, de toute façon, tout était bon!
L'attiéké est souvent accompagné de poisson braisé, grillé ou frit et d'une sorte de salade-sauce faite à base de tomates, d'oignons et de lime. Lorsqu'on le commandait, mon plaisir était de manger avec les mains, pas de fourchette ni de couteau. C'était tout un art que je maîtrisais peu mais ça me passait six pieds au dessus de la tête. Ce qui m’intéressait, c'était d'avoir ma portion dans mon assiette afin de me régaler. J'avais beau essayer de faire une petite boulette bien consistante mais une fois que j'essayais de rajouter la petite salade ou un morceau de poisson, tout s'effritait. Malgré tous ces obstacles, je parvenais quand même à terminer mon assiette avec grand plaisir. Chaque boulette trempée dans l'accompagnement de tomates et d'oignons faisant sortir toute la saveur de ce manioc. Le goût de ce poisson braisé est indescriptible, une chaire blanche et ferme se cachait sous les écailles et ses entailles en diagonales. Le poisson a avait sûrement été mariné dans une sauce mais j'en ignore la recette. Tout ce que je sais, c'est qu'il était exquis sous mon petit palais. Lorsque tout était terminé, ne restait dans l'assiette principale que le squelette de ce pauvre poisson ainsi dévoré par des enfants affamés.
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