jeudi 27 juillet 2017

L'attiéké, poisson grillé

L'attiéké est une forme de couscous fabriqué à partir de manioc. Cette racine est pelée et râpée pour être finalement mélangé à un manioc fermenté ce qui lui donne ce petit goût acide. On le retrouve principalement dans le sud de la Côte d'Ivoire et c'est la spécialité culinaire de plusieurs peuples lagunaires. Il existe plusieurs sortes de ce grain, la plus commerciale est l'attiéké à petit grain que l'on retrouve dans la plupart des marchés.

Sa texture et son goût est très différent du couscous traditionnel. Il est plus blanc, plus élastique et plus collant. C'est pour cela qu'on peut le manger avec sa main en formant une petite boulette. Plusieurs n'aimeront pas le petit goût acide qu'il dégage mais c'est ce qui le différencie du couscous. Il se déguste avec du poisson ou de la viande. On dit souvent que c'est l'aliment des pauvres parce qu'il rassasie bien. Sa teneur en amidon est élevée et son coût très faible. Il remplace aussi très bien le riz ou les pâtes. 

Les fins de semaine, ma mère nous préparait un pique-nique (sandwichs au jambon et moutarde) et très tôt, nous étions déjà partis à la plage de Grand-bassam pour y passer la journée. Tous embarqués dans la mazda 323 qu'elle surnommait "Aziza" qui veut dire "la bien aimée", nous nous dirigions sur la route avec, en musique de fond, Dalida, Joe Dassin, Julio Iglesias et quelques hits parade de la chanson française de l'époque. C'était ça le bonheur. 

Nous passions toute la journée sous le chaud soleil à faire des châteaux de sable, des trous profonds pour s'y enterrer, des sauts dans les hautes vagues de l'océan Atlantique, une mer par moment plutôt agitée. Dans le panier de pique-nique de ma mère, les sandwichs avaient remplis notre estomac vide mais à la fin de la journée, il y avait longtemps qu'ils étaient digérés. Toute l'énergie dépensée devant être comblée. Pendant le chemin du retour, ma mère s'arrêtait pour nous faire goûter des noix de coco ou des sandwichs de viande épicés avec du "kan kan" faits par des vendeurs itinérants. Parfois, elle s'arrêtait dans un maquis, pour nous, c'était une vrai fête. Je me souviens des dégustations de l'attiéké dans les maquis en revenant de la plage le samedi ou le dimanche comme si c'était hier. Nous n'avions jamais manqué de rien mais ma mère tenait son budget comme une vraie PDG de banque mondiale. Pour elle, une visite au maquis était calculée mais j'étais trop jeune pour m'en rendre compte. Les maquis de Grand-Bassam n'étaient pas très fréquentés à l'heure où nous nous y arrêtions. Nous étions souvent seuls, ce qui rendait l'expérience encore plus spéciale. Dans ma tête d'enfant, aller au maquis coûtait cher et y aller était un moment privilégié qui était très apprécié de tous. Au menu, nous avions deux choix: du poulet à la braise ou de l'attiéké poisson braisé. Cette fois-ci, ce sera l'attiéké avec le poisson braisé!

Sous le toit de paille, assis sur des longs bancs et accoudés sur une table en bois tout cela fort défraîchis, nous attendions la visite de la serveuse. Beau temps, mauvais temps, elle se présentait à nous avec un large sourire pour y prendre la commande avec une certaine nonchalance, typique à la Côte d'Ivoire. Mais cela ne nous dérangeait pas, du temps nous en avions en masse. En attendant le moment que le plat se présente à nous, j'étais toute fébrile, toute énervée de mettre sous la bouche un morceau de quelconque aliment  qui allait émerveillé mon palais gourmand. Au maquis, de toute façon, tout était bon!

L'attiéké est souvent accompagné de poisson braisé, grillé ou frit et d'une sorte de salade-sauce faite à base de tomates, d'oignons et de lime. Lorsqu'on le commandait, mon plaisir était de manger avec les mains, pas de fourchette ni de couteau. C'était tout un art que je maîtrisais peu mais ça me passait six pieds au dessus de la tête. Ce qui m’intéressait, c'était d'avoir ma portion dans mon assiette afin de me régaler. J'avais beau essayer de faire une petite boulette bien consistante mais une fois que j'essayais de rajouter la petite salade ou un morceau de poisson, tout s'effritait. Malgré tous ces obstacles, je parvenais quand même à terminer mon assiette avec grand plaisir. Chaque boulette trempée dans l'accompagnement de tomates et d'oignons faisant sortir toute la saveur de ce manioc. Le goût de ce poisson braisé est indescriptible, une chaire blanche et ferme se cachait sous les écailles et ses entailles en diagonales. Le poisson a avait sûrement été mariné dans une sauce mais j'en ignore la recette. Tout ce que je sais, c'est qu'il était exquis sous mon petit palais. Lorsque tout était terminé, ne restait dans l'assiette principale que le squelette de ce pauvre poisson ainsi dévoré par des enfants affamés.  

Ma mère payait l'addition et nous retournions à la maison, le ventre et la tête remplis de beaux souvenirs. Je me délecte encore les doigts aujourd'hui en pensant à ces merveilleux souvenirs d'enfance que ma mère nous a permis de vivre. 



lundi 24 juillet 2017

Croche croche ou glace pilée

En Amérique du Nord, on l'appelle "slush". En Afrique et plus précisément en Côte d'Ivoire, c'est le "croche-croche". Je ne saurai expliqué l'origine de ce nom mais je peux me lancer dans une hypothèse. J'ai imaginé que ce serait à cause du bruit que fait le rabot pour gratter la glace. Ceci dit, laissez moi vous raconter les souvenirs qui me reviennent avec cette collation pour le moins glacée et rafraîchissante.

Pendant les mois d'été (de décembre à janvier en Côte d'Ivoire), il arrivait que ma mère nous donnait des sous pour se gâter d'une collation froide. Lors de nos sorties après l'école, le midi ou le soir, si ce n'était pas le grotto, c'était le croche-croche. Les vendeurs, installés sur un vélo contenant un bac à glacière en bois, nous attendaient devant l'école. Une fois la cloche sonnée, nous nous dirigions pour la plupart vers ces vendeurs afin d'être les premiers à être servis. Les chaudes journées dans la classe nous laissaient assoiffés. La glacière de bois n'était pas ce qu'il y avait de plus hygiénique mais ça on s'en foutait un peu. Tout ce qui nous intéressait était de prendre une bouchée froide de cette glace aromatisée de toute sorte de saveur. On ne se posait pas la question à savoir comment la bloc de glace s'était introduit dans cette glacière en bois, comment elle pouvait rester au froid pendant toutes ces longues minutes à nous attendre sous la chaleur intense du soleil d'été. 

Pour moins de 50 francs CFA, soit à peine 10 cents canadien, on avait une verre de glace grattée avec une sorte de mini rabot. Il y avait une panoplie de saveurs: menthe, grenadine les plus populaires et ensuite les autres saveurs que l'on nommait par les couleurs: jaunes, bleu, violet etc. Ma préférée... la menthe. Nul besoin de vous dire que la première bouchée était la plus savoureuse. On cherchait avec la cuillère un maximum de sirop si bien que le goût sucré restait dans notre bouche tout au long de la dégustation. Seul déception lorsqu'on arrivait à la fin en voyant notre glace de départ d'un vert éclatant devenir plus claire. Pour quelques instants, on avait l'impression de recevoir une source de fraîcheur dans le corps.




Alloco, spécialté ivoirienne

Originaire de l'Asie, la banane plantain serait arrivé en Afrique par Madagascar par les premiers navigateurs indien ou de la péninsule arabique. Elle est la base de l'alimentation de près d'un demi milliard d'habitants dans le monde. On la retrouve, mis à part en Asie et en Afrique, en Amérique Centrale et du Sud, dans les Caraïbes, dans le sud des États-Unis, dans le nord de l'Australie et dans les îles du Pacifique et en Nouvelle Calédonie. 

On ne peut consommer la banane plantain cru parce que sa teneur en amidon est trop élevé ce qui la rend indigeste. Dans certains pays, elle est consommé bouillie, frite ou fermentée et cuit à la vapeur. Aujourd'hui, je vous présente cet aliment de mon enfance qui est frit dans l'huile. 

Bien que ce plat se retrouve dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest sous divers nom, l'alloco demeure un plat national en Côte d'Ivoire. Fait de bananes plantains mûres, l'alloco est généralement cuit dans l'huile de palme dans les régions urbaines et dans l'huile d'arachide dans les régions rurales. Elle est servie avec du poisson ou des viandes mais peut être manger également seule.

Je me rappelle, comme si c'était hier, de nos premières dégustations de l'alloco après le retour de l'école. Ma mère me donnait 100 francs CFA (ce qui équivalait environ à l'époque à 25 cents canadien) et je courrais à la rencontre de la vendeuse situé à quelques mètres de l'immeuble où nous habitions. Je salivais de voir toute cette quantité de bananes cuites dans l'huile. Je n'étais pas consciente à ce moment des dangers de l'huile de palme, tout ce qui m'intéressait c'était de tremper mes doigts dans le plat et d'y prendre une bouchée. Je l'anticipais d'ailleurs en pensant à tremper chaque bouchée dans le fameux piment abidjanais. J'avais hâte de revenir à la maison. Ces longues minutes à attendre me semblait interminables. Devant la chaleur intense que projetait le barbecue en charbon de bois et celui du soleil brûlant, une chose n'avait de l'importance... que ces tranches d'alloco se retrouve rapidement dans mon estomac affamé.  

Et puis le moment fatidique arriva, les bananes étaient cuites, foncées et presque marrons. La louche à la main, la vendeuse ramassa une grosse poignée d'alloco, l’égoutta trois ou quatre fois en cognant sur le bord de l'énorme casserole  de cuisson pour enlever le surplus d'huile et déposait cette énorme cuillère dans un papier journal en forme de cône. Elle répéta cette manœuvre une deuxième fois, ferma le morceau de papier et me le tendit. Vous avez bien lu, à cette époque et même encore aujourd'hui dans certains pays africains, on égouttait sur du papier journal ou même sur du papier de ciment. Ce papier permettait d'absorber le surplus de gras et d’imprégner en même temps quelques gouttes d'encre du journal sur les premières tranches d'alloco. Nous n'en sommes pas morts, la preuve, j'écris ce blog. Parfois, ma mère me donnait un plat maison afin que la vendeuse y dépose les plantains. À cette époque, les moyens d'aseptisations étaient moins présents. Aujourd'hui, malgré le fait que ce papier de ciment est dangereux, il demeure encore moins cher pour ces vendeuses, nous sommes un peu plus conscients des dangers qu'il peut provoquer, les mentalités changent tranquillement. La méthode du papier journal est encore utilisée dans la friture et est très efficace sauf qu'aujourd'hui, on suggère de mettre du papier absorbant entre l'aliment et le journal. 

Ceci dit, revenons à nos allocos... Une fois le paquet prêt, je courais vers la maison et ma mère déposait les bananes dans un plat. Notre collation de fin d'après-midi était prête à être dévorer par des piranhas végétariens... On s'installait sur le balcon et nous dégustions chaque bouchée en pensant à la prochaine. Chaque bouchée représentait un morceau de bonheur. Tendre, mou et sucré, par des moments de témérité, j'osais trempé une tranche d'alloco dans le piment. Puis, je me précipitais en manger trois ou quatre bouchées rapidement pour en enlever ce goût de piment. Aussi, était-ce une façon d'en manger un peu plus que les autres. J'évoquais le goût piquant désagréable pour expliquer cette orgie culinaire. Mon frère et ma sœur ne voyaient que du feu. Du moins, c'est ce que je croyais puisque ça marchait à chaque fois. Nous mangions presqu'en silence, en regardant chaque bouchée que l'autre prenait et faisons la remarque si une bouchée était plus rapide que les autres. Tout était savamment calculé, comme une horloge suisse, nous suivions tous le même rythme afin d'éviter les plus rapides en prenne davantage. Plus le plat se vidait, plus j'espérais que la fratrie se tanne d'en manger et que je me retrouverais, seule, à terminer le plat, wahou, l'extase finale! Mais mon souhait ne s'est jamais réalisé, je pense que nous avions tous les trois le même.  J'étais un peu, beaucoup, passionnément gourmande encore aujourd'hui.



dimanche 22 novembre 2015

Les maquis

Toutes les fins de semaine ou presque, nous avions le même rituel. Direction Grand-Bassam. Situé à environ 45 kilomètres d'Abidjan, nous avions tous hâte d'y arriver. Cette ville faisait façade à l'océan Atlantique. Durant le chemin, on pouvait y apercevoir des centaines, voir des milliers de cocotiers, tous enlignés comme des soldats séparant ainsi la mer de la route. Lorsque ma mère roulait à 100 km/h, on les voyait défiler rapidement comme dans un film hollywoodien.

Ce lieu, à l'époque, était la plage par excellence. Quelques clubs de piscines privés longeaient la plage et leur piscine était remplie d'eau de la mer. Cette plage avait la particularité d'être propre avec des vagues à faire peur notre petit corps d'enfant.

Aujourd'hui, je ne vous parlerai pas de la plage de Grand-Bassam. Cela fera l'objet d'un autre article. Je vous parle aujourd'hui des maquis, plus particulièrement ceux qui longeaient la route de Grand-Bassam. Ceux que l'on retrouvaient à Abidjan étaient très différents.

D'abord qu'est ce qu'un maquis. Je vous rassure tout de suite, il ne sera pas question de guerre. À l'origine, ce mot désignait un groupe de résistants à l'époque de la Deuxième Guerre mondiale. Faisant ainsi référence à l'expression corse "prendre le maquis" qui était une sorte de forêt de type méditerranéenne. Les résistants aussi appelé "maquisards" se réfugiaient dans cette forêt pour préparer une vendetta ou pour ne pas répondre aux différentes autorités en place.

Avec l'arrivée des français surtout des Corses en Côte d'Ivoire et le début de la colonisation, les maquis se sont développés. De ce fait même, les maquis n'étaient plus ce qu'ils étaient en France. Ils sont devenus des restaurants très discrets et populaires où se côtoient nourriture, culture et lieux de rencontre. On y servait des viandes dite de brousse et parfois illégales parce que la chasse de ce type de gibier était entre autre interdit. Du fait qu'ils étaient souvent cachés ou connu surtout à cause du bouche-à-oreille, les maquis restaurant et les gens qui les fréquentent (les maquisards) ont une certaine similitude avec les maquis (forêts) et les maquisards (résistants).

Revenons donc à mes souvenirs d'enfance. Quand nous revenions de la mer, ma mère, parfois, s'arrêtait dans un maquis pour y souper. C'était la joie. Nous savions tous que nous allions nous régaler. 

Les maquis, le long de la route, étaient en bois. On y retrouvait plusieurs tables et bancs prêts à accueillir des gens. Nous allions souvent au même maquis. À l'heure où nous arrivions, il n'y avait pas beaucoup de monde. Quelques familles ou personnes assisses par-ci par là attendaient d'être servis. Parfois, il arrivait que nous soyons seul dans le maquis. À ce moment là, je me sentais pas mal spéciale. Je ne saurais expliqué pourquoi. Le décor plutôt sobre et souvent défraîchi ne nous dérangeait pas. 

Assis sur les bancs en bois qui n'auraient pas refuser une couche ou deux de peinture, nous attendions impatiemment que la cuisinière vienne nous porter le repas.  Nous n'avons jamais mangé de viande de brousse, ma mère commandait surtout du poulet ou du poisson braisés accompagné d'attiéké (met ivoirien à base de manioc et de semoule) ou d'alloco (banane plantais frite). Nous avions tous hâte de voir se déposer sur notre table ce poulet et ces poissons. L'odeur de ce poulet est encore très présent dans ma mémoire. Je ne sais pas de quoi il était mariné mais il y avait fort probablement de l'ail et un cube de bouillon Maggi. 

Voilà enfin la pièce arrivée sur notre table. D'une couleur jaune-brun clair, nous savions le poulet savoureux et bien cuit. Nous la regardions en se demandant quel morceau prendre. La cuisse ou la poitrine. Je ne vous le cache pas, nous ne gaspillions aucune partie de ce poulet. Nous mangions tout y compris la peau du poulet bien grillé aussi grasse était-elle. Un vrai délice pour nos babines et notre estomac. À ma défense, je dirais que la journée passée à la mer et dans l'eau principalement nous creusait facilement l'appétit.

À la fin, il ne restait qu'une pauvre carcasse de poulet dénudée de toute chair mais elle avait fait le bonheur de nos estomacs affamés. Chaque bouchée était un plaisir partagé en famille. Nous revenions à la maison le ventre plein et la tête remplie de souvenirs. Quoi demandé de mieux.

À cette époque là, ma mère n'était pas bien riche mais elle savait nous faire plaisir par ces petits moments de délices culinaires. Aujourd'hui si j'aime bien manger et cuisiner, je dois dire que je le dois à ma mère. Elle a su mettre autour de la table des moments joyeux et de partage qui me suivent encore aujourd'hui.


lundi 26 octobre 2015

Le grotto ou le yaourt glacé

Nous n'avons jamais manqué de nourriture à la maison, ma mère parvenait à nous nourrir convenablement, un peu trop même je dirais. D'ailleurs, mes photos d'enfance montre bien que nous étions en santé! Un peu trop en santé. En arabe, on dit "smalla". Ce mot à plusieurs significations. Dans certains cas, c'était une façon polie de dire que l'enfant était en santé, bien en santé! Je l'ai entendu souvent ce mot là quand les amies de ma mère venaient prendre un café, surtout si celle-ci ne les avait pas vus depuis longtemps. Je ressentais beaucoup de joie à entendre ce mot. "Wow un peu d'attention, ça fait du bien." Aujourd'hui, je ne suis pas sûre. "Smalla Zeina tu vas bien", me semble que je l’interpréterai d'une autre  façon. Mais bon, ça c'est mon cerveau d'adulte qui parle car mon cerveau d'enfant se dirait: "wow un peu d'attention, ça fait du bien." Non pas que j'ai manqué d'attention plus petite, bien au contraire, je pourrais écrire des pages et des pages d'histoires sur les étoiles du midi que ma mère à découvert avec moi. Mais bon ça, c'est un autre projet, dans une autre vie!

La semaine, nous commencions l'école très tôt le matin. Je ne me rappelle plus de l'heure à laquelle nous quittions la maison mais je sais qu'il était beaucoup trop tôt pour que mon petit cerveau soit complètement présent à écouter ou  à réciter les leçons du jour à Mme Bueno, Melle Virginie ou de M. Diakité. À partir de 11:00, Je n'avais qu'une idée, que la petite et la grande aiguille se touche.

Midi pile, la cloche sonne enfin. L'heure de déjeuner était enfin arrivé, deux heures de pause bien mérités. Nous rangions des livres et cahiers en quatrième vitesse car nous n'avions qu'une idée. D'être le premier ou la première devant le vendeur de croche-croche, de grotto ou de l'une de ces choses les plus alléchantes les unes que les autres et ce toujours dans notre tête d'enfant.

Chaque jour en sortant de l'école, différents vendeurs et vendeuses nous attendaient proche de la grille. Prêts à nous vendre différentes gâteries sachant très bien que nos petits ventres affamés les réclameraient. Une journée c'était le grotto, l'autre le croche-croche. 

Aujourd'hui c'est le grotto. Ancêtre fort probablement du minigo congélé avec son bâton en plastique, c'était un yaourt comme on l'appelait en Côte d'voire qui était congelé dans un petit récipient dans lequel tenait littéralement un morceau de bois. Avec la chaleur ambiante, les vendeurs n'avaient peine à nous les vendre et ce à bon prix. Pour moins de 1$ à l'époque, nous étions tous contents.

Chaque léchée représentait un doux bonheur à mon estomac. J'anticipais bien la fin de ce délectable yaourt crémeux à un moment donné  si bien que je profitais de chaque contact de ma langue sur le bout de cette glace en pensant à celle du lendemain. C'est ce qu'on appelle se lécher les babines. Oui, je dois bien l'avouer, j'étais gourmande et je le suis encore. C'est bien pour cela que mes quelques souvenirs de Côte d'Ivoire ne tiennent qu'à de la nourriture. 

De ce yaourt glacé, j'ai gardé le souvenir de la fraîcheur qu'il dégageait, de son goût crémeux et des "sapages" que nous faisions pour le terminer rapidement. Ce mouvement de "sapage" rapide permettait d'accumuler dans la bouche une bonne quantité de lait glacé qui se transformait en liquide et que l'on avalait par la suite. Puis à un moment donné, quand la glace devenait plus clair, on savait que la vie du lait était bientôt terminé. On croquait alors dans chaque bouchée pour essayer de garder un peu de ce lait et c'est à ce moment que nous nous rappelions que vous avions des petites dents fragiles et une bouche qui avait ses limites. Mais qu'à cela ne tienne, nous faisions la même chose à chaque fois en se disant que ce n'était que temporaire. 

Ma mère prenait soin de nous mettre des serviettes en dessous de chaque glace. Lorsqu'elle arrivait à sa fin, non seulement par les coups de langue répétés et rapides mais aussi de la chaleur incroyable qui en faisait fondre une petite partie, nous jetions par dessus bord le petit bout de bâton qui restait. Et oui par dessus bord! Je vous entends crier "ben voyons, ça ce fait pas". Humm, l'esprit écologique n'était pas aussi développé dans les années 80 chez nous. Mais à ma défense, je dirais que c'était un morceau de bois et qu'il s'auto-recyclait à la longue. De toute façon dans ma tête, l'écologie ne m'intéressait peu, je me demandais déjà laquelle des gâteries j'allais prendre le soir à la sortie des classes à 18:00 ou le lendemain car bien évidement le spectacle recommençait à chaque sortie de classe.




dimanche 25 octobre 2015

"Coco taillé, canari cassé!"

Pourquoi ce titre, très simple. Je suis née en Côte d'Ivoire. Pays que l'on surnomme aussi "la République du cacao". Plus jeune, nous avions souvent dans la bouche cette expression pour rire de l'un ou de l'autre d'une situation cocasse qui nous était arrivé. Une version plus occidentale de ce proverbe africain serait qu'on ne fait pas d'omelettes sans casser des œufs.

Le coco en Côte d'Ivoire signifie les cheveux de la femme, le canari est un grand récipient en terre cuite dans lequel les femmes le remplissaient d'eau fraîche. Donc lorsque les femmes coupaient leur cheveux, il leur était plus difficile de porter sur la tête le canari. D'où cette expression de "coco taillé, canari cassé". En d'autres mots, si tu coupes tes cheveux, il te sera difficile de porter de l'eau sur ta tête.

Tous les souvenirs que j'ai gardé de ce pays sont reliés à la nourriture. Sur ce blogue, je tenterais de vous livrer les plus beaux moments que j'ai vécu durant mon enfance. Cette année, à quelques mois de nos trente années au Canada, je me permets un retour un arrière dans un passé pas si lointain mais qui me semble une éternité 

Entre le marché de Treichville, le vendeur de viande le long de la route de Bassam et le vendeuse d'alloco au coin de la rue, vous découvrirez, je l'espère une Afrique comme vous ne l'avez pas encore connu. Loin des préjugés et des stéréotypes, l'Afrique demeure un continent très spécial à découvrir.

Tout d'abord avant de commencer, je vous propose un petit cours d'histoire culinaire rapide sur la Côte d'Ivoire. Mis à part le café et le cacao, on y retrouve aussi l'ananas, la canne à sucre, la mangue, la banane, la papaye et l'avocat. Ces aliments se retrouvent quotidiennement dans mon alimentation, ils font partie de moi. La banane aussi banale soit-elle est un de mes fruits préférés. Vous savez ce genre de d'aliment qui nous réconforte, qui nous fait sentir bien. Je ne saurais trop comment l'expliquer. Ma mémoire est surtout olfactive et je retrouve dans l'odeur et le goût des aliments des souvenirs qui se sont quelque peu éparpillés dans mon cerveau avec les années. 

En chemin, on rencontrera aussi les maquis avec les poulets ou les poissons grillés, l'igname, le manioc, le maïs et la banane plantain. Encore la banane me direz-vous! Et oui encore la banane. Frits, bouillis, cuits au charbon de bois, tous ces aliments sentent le bonheur, la joie de vivre et l'innocence d'une enfance un peu trop vite disparu.

Comme je le dis souvent: "On peut toujours sortir quelqu'un d'Afrique mais on ne peut sortir l'Afrique de son cœur". Je vous souhaite une belle lecture et de belles découvertes d'un pays si peu connu. 



Arrivée à destination à ABJ en provenance de YUL.